Le film débute avec cet intéressant bris des conventions, celles de l’espace et des décors. Qui n’existent presque plus. Comme une grande scène de théâtre avec les repères tracés et écrits par terre, espaces artificiellement définis, avec quelques bribes de portes ou de murs, quelques objets disposés ici et là. Pour le reste, les comédiens et comédiennes font «comme si».
C’est d’abord surprenant, puis on s’y fait tranquillement, on l’accepte un peu inconsciemment et ensuite, à mesure que le récit avance et s’alourdit, ça devient un peu dérangeant parce que pouvant également signifier l’indifférence grandissante de la part des protagonistes se trouvant autour de l’action (malgré les drames qui se produisent). Ce n’est bien sûr pas le cas, puisque le film lui-même est conçu ainsi et tous les gens qui y prennent part adhèrent à ce canevas, mais disons que la trame dramatique est extrêmement bien faite en ce sens.
Une histoire qui commence tout doucement, qui est même un peu amusante au départ, on ne sait trop ce qui va se passer. Mais on est vraiment curieux de l’apprendre (en tous cas je l’étais!). Une jeune femme (Nicole Kidman) arrive dans un petit village éloigné, minuscule et tranquille. Elle fuit on ne sait quoi et donc demande asile aux gens de ce village. Une demande qui sera vite acceptée, puis remise en question, ré-acceptée, etc. Commence ainsi un long et arride récit qui parle d’intolérance, de xénophobie, de confiance et d’acceptation. Qui parle ensuite et très tristement de tout ce qui peut en découler, soit le manque de respect, l’exploitation, le rejet, les sévices même (physiques et moraux). Du fait que la nature humaine est souvent navrante.
Le jeu des comédiens est vraiment formidable, extrêment crédible. Il doit être tellement déroutant (et difficile) d’évoluer dans un tel canevas. Je mentionne ceux qui m’ont le plus marquée, Nicole Kidman, Paul Bettany, Patricia Clarkson, Lauren Bacall (qui a beaucoup vieillie, je ne l’avais pas reconnue).
C’est une histoire et un film longs, difficiles, tragiques. L’atmosphère est de plus en plus lourde et glauque, jusqu’à la limite du tolérable et le point de non-retour, quand cette limite elle-même a été dépassée. Tout a un prix, et lorsque celui-ci devient trop élevé, il dépasse alors la raison. Et même parfois celui (le prix) de la vie même.
J’ai beaucoup aimé cette façon de faire du réalisateur. Une pièce de théâtre qui n’en est pas une, filmée dans cet espace clos mi-imaginaire. Jouée en 9 actes, introduits par de longs titres explicites de ce qui s’en vient, comme si ce n’est pas tant l’action que tout ce qu’elle implique qui est important. Je suis fan de Von Trier, et ce film me confirme (une fois de plus) dans ce statut!
Réal.: Lars Von Trier, Danemark, 2003.
Dogville
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