En un mot: décapant! Un très chassé et ô combien croisé sur les relations amoureuses ou plutôt sur les désenchantements de couple de toutes sortes. Jusqu’où peut nous mener le désir, le nôtre et celui des autres? Est-ce que l’amour existe vraiment? Et si oui, s’agit-il d’autre chose que de l’amour propre et/ou mal placé?
Variation sur le tumultueux monde des relations interpersonnelles, de nos jours, à Londres. Ça commence par une belle rencontre entre deux individus, mais qui ne resteront pas seuls bien longtemps. S’ajoutent bien vite une jolie photographe, puis un internaute avide et curieux. Et vous avez maintenant plusieurs histoires de jalousie, de vengeance, de trahison… et ça recommence! C’est la symphonie du nombril, «changez de côté, vous vous êtes trompés!».
L’Amour n’existe plus, vive la consommation! Le vrai n’existe plus, vive l’éphèmère mais sincère! Cela dit, c’est vraiment un bon film. Les dialogues sont d’un cynisme intelligent, dérangeant, qui nous fait vraiment réfléchir. Le rythme est efficace et soutenu. Les images sont belles et froides.
Les principaux protogonistes de ce sept-carré amoureux sont tous vraiment bons et surtout très crédibles. Nathalie Portman en femme de rêve intense et professionnelle, Jude Law en pseudo-écrivain et pseudo-amoureux et Clive Owen, en dermatologue froid, cartésien, cru mais intègre. Je vais ici faire amende honorable, en avouant que Julia Roberts (en photographe idéaliste et ambitieuse) donne également une très bonne prestation. Elle est pour moi une comédienne plutôt moyenne (en terme de spectre de jeu et de talent) mais dans ce cas-ci, elle est surprenante et ce rôle lui permet de nous montrer ce qu’elle peut faire d’autre. Une bonne idée, à mon humble avis!
Nous allons de surprises en désillusions. L’amour devient un choix. La durée d’une relation aussi. Et parfois un jeu… des plus complexe et certes plein de conséquences et de rebondissements… Quand il n’y a plus de gêne aucune, il ne reste peut-être que le plaisir, aussi tordu et égoïste soit-il???
Réal.: Mike Nichols, É.U., 2004.
Mois : février 2005
Lost in translation
J’aime beaucoup cette jeune réalisatrice (j’apprécie d’ailleurs beaucoup plus ses talents derrière que ceux devant la caméra!). Elle nous avait offert précédemment le très lyrique et intense «the Virgin Suicides».
Un des rares films où le titre sied à merveille! Souvent, il en dit trop ou pas assez, ou nous amène complètement ailleurs, parfois de manière inutile. Dans ce cas-ci, c’est un bel aperçu de l’atmosphère dans laquelle nous allons être plongés, une belle image de ce que vont vivre les personnages.
Deux personnes, américaines d’origine et complètement opposées de nature, se rencontrent dans un hotel de Tokyo (jouées par Bill Murray et Scarlett Johansson). C’est cette originale et surprenante rencontre que le film raconte, de très belle façon d’ailleurs.
Je vais peut-être en surprendre plusieurs, mais j’aime beaucoup Bill Murray. Il a un physique d’acteur tellement intéressant et il me fait beaucoup rire. Dans ce film, il interprète un acteur un peu sur le déclin, en pleine crise existentielle. Il est sarcastique, désabusé mais toujours aussi drôle et touchant, même attachant. Quel humour! Bizarrement, j’ai eu un gros fou rire dans une scène à l’humour très facile et très gros, lorsque celui-ci va s’entraîner au gym. Faut le voir pour l’apprécier!
Nous y découvrons vraiment Scarlett Johansson. Qui joue une jeune mariée en voyage avec son mari, qui est sans cesse absent pour son travail. Elle est seule et se sent surtout très seule.
Ils se rencontrent dans le bar de l’hotel et vivront par la suite toutes sortes de mini-aventures spontanées et/ou improvisées. Moments éclatés. Et à travers tous ceux-ci, le dépaysement total que semble être Tokyo (je n’y suis jamais allée mais c’est exactement ce à quoi je me serais attendue). L’humour est intelligent et omniprésent, souvent aussi éclaté que le propos.
Un film bien écrit et bien réalisé (les deux par Coppola). Tranches de vie en transit, deux inconnus en mal d’amour, de solitude et de reconnaissance.
Réal.: Sofia Coppola, É.U., 2003.
Noi Albinoi
Voici un synopsis potentiel: « Un jeune homme de 17 ans habite avec sa grand-mère. Il est désillusionné, désabusé, seul ET solitaire. Il tourne en rond, la plupart du temps. Il fréquente l’école comme on fréquente l’ennui, par obligation. Il y est d’ailleurs un peu victime de son intelligence au-dessus de la moyenne. Il vit en Islande, terre arride et froide (en pratique comme en théorie) ».
Maintenant, je vous propose la critique suivante : « Un film surprenant, cousu d’humour et de silences, tellement intéressant, avec des acteurs-amateurs incroyables. J’y ai connu un de mes plus gros fou rire –à vie-!».
Enfin… est-ce que je vous surprend si je vous précise que cette critique s’applique au film tiré du synopsis qui la précède!?! HAAAA ! (que je vous surprenne ou non, fallait que ça sorte, bon !). Si je ne vous ai pas surpris : tant mieux ! Si oui : ce n’est qu’UN des exemples de tous les formidables -mais méconnus/undergrounds- films qui font régulièrement mon plus grand bonheur!
Plusieurs amis/membres de ma famille me taquinent au sujet de mes goûts (douteux, oseront même certains!?) pour les films serbo-croates sous-titrés en deux langues (au choix!). Voici donc la meilleure démonstration que je puisse faire pour appuyer/expliquer mon point. Ce qui ne veut certes pas dire que tous partagent les mêmes goûts et/ou que je vais nécessairement rallier une majorité de gens. Mais qu’il ne faut pas TOUJOURS se fier aux apparences, aussi ardues soient-elles!?!
Noi Albinoi, c’est un petit bijou de découverte que j’ai fait il y a un peu plus d’un an (je vous le donne en mille: au FCMM). Dès la première séquence, l’humour très particulier s’installe. Un heureux mélange d’autodérision, d’ironie, de sarcasme et même de gags un peu plus « faciles », si je peux m’exprimer ainsi. Tourné en 35mm, sans décors (du vrai, que du vrai), avec très peu de moyens. Éclairage faible et naturel, qui contraste avec la froideur éblouissante de la neige.
C’est l’histoire de ce jeune homme, de son quotidien entre une grand-mère attachante et quelque peu excentrique, un père alcoolique et complètement raté, un ami qui n’en est pas un, une école avec son directeur complètement dépassé… mais aussi une rencontre avec une jeune fille travaillant à la station-service du coin.
Sujet vraiment banal, pour un très bon film. L’art de filmer l’ennui, de façon intéressante et drôle, sur fond tragique. Un défi, quand même, non ?
Je dis simplement : Bravo ! (surtout pour un premier long métage de ce réalisateur).
Nòi Albinòi – Réal.: Dagur Kàri, Islande/Danemark/Allemagne/Royaume-Uni, 2003.
Parle avec elle
J’ai vu ce film pour la première fois à Paris, il y a quelques années. J’avais été tellement émue, remuée. Seul Almodovar -il me semble- peut ainsi raconter des histoires aussi tordues, en nous atteignant en plein coœur, nous séduisant à tout coup. Je l’ai loué tout récemment, histoire de valider le tout, à nouveau!
Tout ce que j’ai ressenti à ce moment m’est revenu encore une fois, intact (à part le petit engouement supplémentaire que m’avait donné Paris, peut-être! Quoique la mémoire est une chose formidable…). Almodovar maîtrise complètement les jeux de genres, d’amour, de passion, de folie. La fine séparation entre les deux derniers et les excès qui en découlent. «Parle avec elle» en est une autre brillante démonstration. Et peut-être la plus troublante, de par son sujet central.
Qui d’autre peut nous attendrir et nous faire accepter -que dis-je!?! endosser totalement- un genre de viol, au nom de l’amour total, inconditionnel et sans compromis? Qui d’autre peut nous présenter un suicide par amour, au nom de l’amour, nous le rendant complètement acceptable, à nous spectateur comme au principal éprouvé?
Deux hommes se rencontrent dans une clinique, chacun au chevet d’une femme dans le coma. De là se développe une étrange relation/amitié. Petit à petit on apprend ce qui les a menés là, et où tout cela les mènera ensuite… Avec deux des acteurs-fétiches du réalisateur, Javier Camara [Benigno] et Dario Grandinetti [Marco].
Comme toujours, tous les personnages sont intenses, uniques, attachants. Un de ses rares films ne tournant pas autour du travestisme, mais dont la signature est tout de même indéniable. Plusieurs destins tragiques se croisent, se répercutant dans la vie de plusieurs autres. Que de tragédie, mais que de beauté et de sentiments dans tout ça. J’en ressors secouée, mais fascinée. Alomodovar vient toujours me chercher aux tripes…
Comme m’a rappelé Julie, j’avais également acheté la trame sonore à l’époque. Qui ajoute tellement à la gamme des émotions de ce film. Une petite pensée toute spéciale pour la fameuse prestation de la colombe («La paloma»), chantée du bout des lèvres et accompagnée à la guitare. Un moment très spécial et très émouvant du film. La musique est signée en grande partie par le compositeur Alberto Iglesia. Ici aussi, les arts ont une place de choix dans l’œuvre du réalisateur (théâtre, dance, musique).
Christine (ma sœur), avait ainsi résumé la chose, à l’époque: un Roméo et Juliette revisité par Almodovar, actualisé et élevé d’un cran en terme de complexité et d’intérêt. J’embrasse complètement cette analogie. Et j’ajoute que l’émotion ressentie y est proportionnelle.
Réal.: Pedro Almodovar, Espagne, 2001.
Garden State
Tranche de vie, en commençant: cette fois, c’est l’inverse qui m’est arrivé! J’ai loué ce film avec une copine -nous étions deux à s’installer confortablement pour le regarder-, mais je me le suis tapé toute seule (accompagnée, en background, des légers ronflements de Jani…!).
Garden State, c’est un beau petit film. Un film intelligent qui aborde des sujets assez sérieux (tragiques?), avec humour et même une certaine pudeur. Pour moi, c’est tout ce qu’une «comédie dramatico-romantique» a de bien -les sentiments, les émotions, ça parle de vraies choses, c’est tellement humain- mais avec, en moins, tout ce qu’elle a trop souvent de superflu et même DE TROP: l’exagération, l’invraisemblance, les excès de toutes sortes, la banalité-.
Andrew est un jeune acteur/serveur qui tente de réussir et gagner sa vie à Los Angeles. C’est un jeune homme intoxiqué, essoufflé, déconnecté, qui ne rêve, au fond, que de vivre sa vie, le plus normalement du monde (Andrew, joué par Zach Braff, qui a également écrit et réalisé le film). À la nouvelle de la mort de sa mère, il retourne dans son petit village natal. Il rencontre alors une jeune fille drôle, spontanée, courageuse, au quotidien trop ordinaire et qui n’aspire, quant à elle, qu’à autre chose -peu importe-, et qui ment régulièrement faute d’y arriver (Sam, jouée par Nathalie Portman). Une rencontre tellement douce, empreinte de simplicité. Tellement naturelle, aussi (comme on en rêve tous, probablement!?). Avec le très bon Peter Sarsgaard qui joue Mark, un ami d’enfance d’Andrew travaillant au cimetière. Un ami éclaté, désillusionné, d’une loyauté très touchante et plutôt suprenante. Andrew y retrouvera plusieurs connaissances, fera de surprenantes rencontres et surtout, fera face à son père, et au lourd destin qui les unit depuis si longtemps.
L’humour est parfois léger, parfois absurde, subtil. Tout au long du film, des répliques, des petits flashs, de petits clins d’oeil nous font sourire, rire, nous étonnent. Un humour quelque peu différent, amusant. On en fait pas trop. Juste assez! L’atmosphère est feutrée, suivant le rythme du récit. L’histoire, souvent incongrue, avance tout doucement, parfois même au ralenti, ce qui fait contraste avec la teneur des événements.
Chronique simple, mais très réussie, de deux vies somme toute assez opposées, mais qui ont tellement envie -et simplement besoin- de se rencontrer. Éloge du présent, du ici et du maintenant, des petits plaisirs vrais.
Réal.: Zach Braff, É.U., 2004.